Critique : Memory

De profondes blessures face à une mémoire qui vacille : Memory propose un postulat profondément dramatique, mais le cinéaste mexicain Michel Franco va conduire ses protagonistes vers de nouveaux horizons avec une dramaturgie maîtrisée et des acteurs captivants.

Régénération

Jessica Chastain compte parmi ces comédiennes qui peuvent véhiculer de nombreuses émotions par de simples regards, des expressions plus puissantes que n’importe quelle réplique. Chez certains cinéastes, son talent se retrouve comme décuplé. C’est le cas dans Memory, qui possède une forte identité visuelle sans chercher à développer de singularité. Tous les extérieurs, tournés à New-York, bénéficient d’un cachet à la fois réaliste et cinématographique. La photographie d’Yves Cape est d’autant plus séduisante que le choix des cadres et le montage nourrissent la couleur spécifique de cette œuvre, se lançant avec tous les éléments pour construire un mélodrame lourd, mais qui s’y refusera jusqu’au bout – combien de cinéastes auraient abusé de la caméra épaule et de gros plans dans les séquences les plus difficiles ? L’histoire débute avec Sylvia (Jessica Chastain), mère célibataire qui fréquente les réunions des Alcooliques Anonymes avec assiduité. Marquée au fer rouge par un douloureux passé, familial et scolaire, d’anciens démons ressurgissent lorsqu’elle se rend à une réunion d’anciens élèves où le malaise l’envahit. En retournant à son domicile, un homme la suit, jusqu’au bout, jusqu’à dormir à sa porte sous la pluie.

Peter Sarsgaard et Jessica Chastain dans Memory

Cet individu, Saul (Peter Sarsgaard), n’a aucune idée de la raison qui l’a poussé à suivre Sylvia. Souffrant de démence, il vit sous la tutelle de son frère, ou plutôt, il survit : son champ de liberté est limité au maximum. Une forme d’assignation à domicile sans issue. Submergée par l’amertume, Sylvia est convaincue que Saul a fait partie d’une bande qui a détruit son enfance, et c’est là où le film va commencer à surprendre, par son humanité qui va s’immiscer dans les plaies encore ouvertes, ce lien improbable qui se tisse jusqu’à bouleverser les cellules familiales de chaque côté. Si la lumière est sur Peter Sarsgaard, récompensé de la Coupe Volpi d’interprétation masculine à la Mostra de Venise 2023, il est indispensable de saluer la performance de sa partenaire, car sans ce jeu aussi subtil de la part de Jessica Chastain, le personnage de Sarsgaard ne pourrait pas obtenir la même densité. Comme dans un sport d’équipe, les comédiens s’élèvent mutuellement, et lorsqu’à la baguette, un ou une cinéaste respecte leur travail jusqu’au bout, la magie opère de façon fantastique. Avec cette histoire douloureuse mais en quête de lumière, Michel Franco nous offre une chronique puissante sur les chemins de la reconstruction, à rebours de nombreux clichés et facilités pour mieux toucher.

3.5 étoiles

 

Affiche du film Memory

Memory

Film américain, mexicain, chilien
Réalisateur : Michel Franco
Avec : Jessica Chastain, Peter Sarsgaard, Brooke Timber, Merritt Wever, Josh Charles, Jessica Harper
Scénario de : Michel Franco
Durée : 103 min
Genre : Drame
Date de sortie en France : 29 mai 2024
Distributeur : Metropolitan FilmExport

 

Photos du film Copyright Metropolitan FilmExport

Article rédigé par Dom

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